[NEWS] Propriété intellectuelle et externalités de réseau (première partie)
Le magazine belge Gestion 2000 publiait début 2003 un article sur la gestion de la propriété. Basé sur trois études de cas (Rambus, IBM et Intel), elle concluait au danger des politiques sans nuance et privilégiait une approche pragmatique, faite de restriction et d'ouverture. Ce premier volet* présente les cas de Rambus et d'IBM.
Selon Shapiro et Varian, la valeur de l'entreprise est égale au produit de la valeur du marché et de la part de marché. Si la seconde est maximisée par une stratégie de contrôle, la seconde est maximisée par l'ouverture. Il s'agit d'une vue simplifiée, mais elle met en évidence l'effet des externalités de réseau.
Le secteur informatique connaît de fortes externalités de réseau. L'usage par le plus grand nombre peut ainsi conduire à des standards qui ne soient pas optimums techniquement, comme le clavier QWERTY, initialement conçu pour ralentir la frappe des secrétaires sur des claviers mécaniques. Les standards sont en constante évolution, ce qui encourage une libre diffusion : Java et Star Office chez Sun, navigateurs de Netscape et de Microsoft,...
Néanmoins, une politique polarisée, sans nuance, n'est pas sans risque. IBM a ainsi fait les frais d'une diffusion trop ouverture avec son IBM PC, tandis que Rambus a pâti d'une politique trop restrictive avec ses RDRAM.
Cas n°1 : Rambus
Rambus est la société à l'origine de la RDRAM, alors plus rapide que la SDRAM. La RDRAM a été choisie en 1996 par Intel pour son Pentium IV. Un contrat d'exclusivité est signé avec Rambus, avec à la clef des royalties élevées.
Malheureusement, une multitude de problèmes techniques (problèmes de compatibilité entre les chipsets Intel et la RDRAM notamment) et commerciaux (coût élevé, notamment dû aux royalties) survient. En conséquence, un standard concurrent (la DDR-RAM), promu par AMD, se développe. Intel est obligé d'assurer la compatibilité avec la DDR en 2001, après avoir reconnu l'erreur de choix dès 2000.Il s'ensuit une dégradation de la situation de Rambus, dont la mémoire reste cantonnée au haut de gamme.
Cas n°2 : IBM
En 1980, les ventes de micro-ordinateurs augmentent. En un an, IBM conçoit le PC (1981). Compte tenu des délais, IBM doit avoir recours à des composants externes : système d'exploitation MS-DOS, processeur Intel 8088, etc. Il en résulte qu'une grande partie du PC est imittable. Il reste une protection liée au BIOS, propriété d'IBM, mais elle est rapidement contournée : Phoenix permet la simulation du BIOS, tandis que Compaq procède par rétro-ingénierie. Son Deskpro sortira en 1983. D'une manière générale, la sortie de clônes 100% compatibles IBM est dès lors possible !
En 1986, IBM dispose de moins de 50% du marché des PC. Compaq sort le premier 386 et prend ainsi le leadership technologique à IBM. IBM tente de réagir en 1987, avec le PS/2. Ce micro-ordinateur haut de gamme inclut un 386 et un bus propriétaire MCA. Neuf clôneurs opposent au standard MCA leur propre standard compatible PC-AT, l'EISA. La plupart des fabriquants choisiront l'EISA.
Aujourd'hui, Intel et Microsoft sont les principaux décisionnaires sur le marché PC. IBM est numéro 4 sur le marché PC et sa branche PC est déficitaire.
Source : Propriété intellectuelle et externalités de réseau, Gestion 2000, janvier-février 2003.
(*) Le sujet abordé dans cet article peut sembler "iconoclaste", mais se révèle pourtant bien d'actualité pour le mouvement des logiciels libres et Open Source, à l'heure des brevets logiciels et des procès du type "Mobilix". Il fait suite à une premier article sur l'exploitation des brevets et des marques (voir aussi la première et la seconde partie de ce premier article).
Posté le 04 novembre 2003.
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